Le 8 avril dernier, le Soir titrait en première page « 60% des francophones pour le nucléaire ». Pour être plus précis, à la question : « Pensez-vous que l’énergie produite par les centrales nucléaires est une alternative acceptable pour lutter contre le réchauffement climatique ? », 61% des francophones bruxellois et wallons répondaient positivement.

Deux semaines plus tard, le nouveau « patron des patrons », Thomas Leysen, plaide pour un « renforcement du nucléaire », comprenez non seulement la prolongation des centrales actuelles, mais aussi la construction de nouvelles.

Gasp ! Ce mois d’avril sonnerait-il le grand retour (gagnant) de l’atome ? La loi « Sortie » de 2003 vivrait-elle son chant du cygne ? Les francophones de Belgique seraient-ils soudain (re)pris d’un amour fou pour leurs centrales ?

Bien sûr, on pourrait gloser sur la façon de poser la question (des sondages précédents aux questions plus fouillées ne donnaient pas du tout les mêmes résultats). On pourrait invoquer les résultats de l’Eurobaromètre, qui sont exactement inverses (60% défavorables au nucléaire), et s’interroger dès lors sur la fiabilité de pareilles enquêtes. Mieux vaut à notre avis se laisser interpeller par cet apparent retournement d’opinion et élaborer des réponses adéquates.

La première apparaît d’une simplicité limpide : en quoi les deux arguments massues à l’encontre du nucléaire, à savoir la sécurité et les déchets, seraient-ils moins pertinents en avril 2008 que précédemment ? Réponse : en rien. Au contraire.

Déchets. Régulièrement, des fumistes tentent de banaliser cette épineuse question. En 2004, c’est Milquet qui nous sortait que le problème était réglé (ce qui donna lieu à une réplique historique de notre ami Javaux). Aujourd’hui, c’est Leysen qui prétend dans son interview au Soir que « les déchets peuvent être gérés et localisés sur le long terme ». Mais encore, Cher Ami ? Quelle est donc l’innovation technique fulgurante et connue de vous seul qui va rendre inoffensives ces bombes radioactives promises à une longue, sinon belle vie ?

Sécurité. Depuis quelques années, les incidents foisonnent. Oh, jamais graves. En 2006, en Suède, une péripétie qui aurait pu tourner au Tchernobyl bis (dixit non pas un « anti-nucléaire primaire », mais bien l’ancien directeur de la centrale concernée). Une autre péripétie en Tchéquie (de la technologie soviétique, bien sûr, c’est pas chez nous que ça arriverait). Comme le rappelait Jan Vandeputte, de Greenpeace, dans une carte blanche récente, les centrales ne sont pas éternelles, et plus elles vieillissent, plus le danger se précise.

A moins qu’on ne les rafistole, bien sûr. Dans la discussion actuelle, tel est bien l’enjeu. Quelques investissements, et paf, on est reparti… mais pas pour un an ou deux comme certains veulent le faire croire (des politiques versatiles, par exemple, qui troqueraient bien cette fameuse prolongation contre une dîme de 250 millions d’Euros annuels), mais bien pour 10 ou 15. Le temps que chaque Euro investi se soit fait trois ou quatre potes.

Quant à la construction de nouvelles centrales, Leysen n’est sans doute pas le seul à fantasmer là-dessus, mais c’est un des rares à le dire. La belle époque des subsides publics est révolue, et donc, une centrale, ça fait cher. Celle qu’on construit en Finlande, elle devait coûter 3,2 milliards d’Euros, et on est déjà à 2 de plus…et un retard de deux ans.

Mais en attendant, cet éternel retour, cette valse-hésitation, ces déclarations tapageuses, ça a le don de démobiliser. Le refrain est connu : à quoi bon se casser à la tête à diminuer sa consommation ou à investir massivement dans le renouvelable, puisque l’Oncle Atome veille… Du côté du fédéral, le recours au sophisme parfait montre le bout de son nez. La sortie du nucléaire implique la mise en place d’une politique cohérente et progressive, or, sous le gouvernement violet (et ça continue sous le lilas), peu de choses ont été réalisées dans ce sens, donc, on revoit la loi de sortie. CQFD.

Bref, il est grand temps, Chers Amis, de rester mobilisés. Rien n’est jamais acquis, en politique.

Bruno Ponchau

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