Les Ecolabs sont une occasion de réunir politiques, experts et citoyens pour faire des propositions concrètes autour d’un thème prioritaire pour Ecolo. le 14 juin, à Rixensart, 6 experts du rail ont mené une réflexion sur l’avenir de la SNCB et les priorités pour la Belgique et en Brabant wallon. Le débat fut passionnant, et les représentants politiques et associatifs ont dégagé ensemble des pistes ambitieuses et originales pour remettre la SNCB sur pied.

D’entrée de jeu, Zakia Khattabi et Isabelle Durant ont insisté sur les enjeux de la mobilité ferroviaire. Le contexte : un réseau routier engorgé, des prévisions 2030 de demande de transport en augmentation, des émissions de gaz à effet de serre qui représentent 25 % du total émis…et un objectif de réduction des émission de 70 % d’ici 2030 suivant les décisions de la COP21 ! Les défis sont énormes, et le rail est un des leviers fondamentaux pour la mobilité du futur.

Le long terme est la clé

Marcel Cheron, député Ecolo-Groen a présenté la vision verte du rail, inscrite dans un « contrat de service » de 30 pages, alternative aux contrats de gestion actuels qui ne sont pas assez ambitieux. Les priorités : réinvestir dans le rail et améliorer l’efficacité interne, pour mettre le voyageur au centre de la stratégie de la SNCB. Ce qu’il manque cruellement, c’est une vision de long terme, tant pour l’offre que pour les investissements. Plus encore, selon Marcel Cheron : « en réinvestissant dans l’entretien, le maintien de capacité et dans le matériel roulant, la ponctualité et la sécurité seront renforcées. Parallèlement, l’extension de l’offre en soirée, les weekends et sur les lignes rurales augmentera significativement l’attractivité du train ». Enfin, il est nécessaire de revoir la redevance d’infrastructure, soit le prix que paye la SNCB à Infrabel pour emprunter ses rails. A l’heure actuelle, un train qui roule – et plus encore un train qui s’arrête en gare – coûte cher à la SNCB. Il faut réduire ce coût pour ouvrir la voie une amélioration de l’offre, surtout dans les petites gares.

Pour Céline Tellier, d’inter-environnement Wallonie, La première priorité est de développer une vision à long terme de ce qu’on cherche comme desserte à l’horizon 2030-2040, avec des objectifs intermédiaires. Sur base de cela, on peut ensuite définir les infrastructures nécessaires. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit ! Céline Tellier fait une analogie : « C’est un peu comme construire une maison sans en avoir fait les plans… ». Un schéma d’exploitation sous forme de noeuds de correspondance est une priorité pour IEW. Dans ce schéma, pratiqué en Suisse, les trains se croisent en gare plutôt qu’en rase campagne. Toutes les heures ‘15 et ‘45, les trains L et IC entrent en gare et permettent la multiplication des correspondances sans attente. Le nœud de la gare d’Ottignies fonctionne de cette manière, c’est une des seules gare de Wallonie dans ce cas. Pour aller plus loin, trains et bus devraient être coordonnés.

Coordonner, c’est bien. Intégrer, c’est mieux : au cours du débat, différentes idées intéressantes ont été exprimées par le public. Par exemple, la proposition de développer le système de tarification en vigueur aux Pays-Bas : le « check-in/check-out » permet au voyageur de combiner avec le même titre de transport tous les transports en commun. Le ticket est validé en début de voyage et en fin de voyage, quel que soit le trajet parcouru et les moyens utilisés. Exemple : je valide mon ticket en montant dans un train à Rixensart pour aller prendre à Ottignies un direct vers Bruxelles puis un métro pour Madou, où je valide la fin du voyage. C’est le trajet Rixensart/Madou qui sera décompté de ma carte prépayée, même si le détour est fait par Ottignies.

Le voyageur au centre du monde ferroviaire

Gianni Tabbone, de l’ASBL Navetteurs.be, insiste : il faut replacer le voyageur au centre. Par exemple, la SNCB vient de commander des voitures dont la hauteur des portes d’entrées ne correspond à aucune de trois hauteurs de quais existantes en Belgique ! En terme de service, les navetteurs demandent également une extension de l’amplitude (1er et dernier trains), une distinction entre horaires du samedi et du dimanche pour le loisir/shopping, et une cadence minimale d’un train par heure partout et tout le temps ! En Brabant wallon, cela concerne Profondsart, Villers-la-Ville, Blanmont, etc. qui sont desservies toutes les deux heures les weekends. Evidemment, un gros effort est à faire sur la ponctualité qui, selon les calculs de Navetteurs.be, atteint péniblement les 60 % en heure de pointe ! Ce sera possible par une meilleure collaboration entre SNCB et Infrabel, et un réinvestissement dans l’entretien du matériel roulant.

La vision syndicale développée par Marc Heinen, de la CSC-Transcom, est réaliste et constructive.
Dans un premier temps, il insiste sur la difficulté pour les cheminots d’utiliser leur droit de grève comme moyen de pression sur la direction de la SNCB et d’Infrabel, vu l’impact sur les navetteurs. Dans ce cadre, la CSC réfléchit à d’autres modes d’action. Dans un second temps, Marc Heinen insiste sur la démarche spécifique de la CSC : elle défend les travailleurs, mais défend aussi une vision de la SNCB et du rail à long terme. La CSC est convaincue que pour protéger les travailleurs, il faut protéger la société et son objet social en développant une vision concrète et constructive de la SNCB. Dans le débat qui a suivi, les idées ont fusé, dont celle de changer de mode de contestation, par exemple en faisant des grèves « tarif zéro » qui permettent de voyager de manière gratuite sans paralyser les usagers, ou de faire des actions concertées avec les navetteurs et l’associatif. A suivre, donc.

Les particularités du BW

Philippe Lauwers, conseiller communal à Rixensart, et Michel Herinckx du comité de riverains de la gare de Profondsart, ont quant à eux insisté sur les relations avec Infrabel dans le cadre du chantier du RER. La vision de Philippe Lauwers est dure : il déplore un chantier mal mené, qui a défiguré Rixensart sans améliorer le service aux citoyens. Infrabel ne répondant pas ou peu aux demandes de la commune et des riverains. Pour Michel Herinckx, le ton est un peu différent : il décrit Infrabel comme assez ouvert aux revendications des riverains, acceptant de modifier ses plans pour améliorer l’accès à la gare, les trottoirs, etc. Pour le comité, c’est plutôt du côté de la commune de Wavre que ça coince : dans certains cas, la commune a refusé des aménagements obtenus de haute lutte par les riverains auprès d’Infrabel. Les citoyens s’organisent pour suivre un chantier, mais le pouvoir politique n’appuie pas.

Le RER est un dossier-clé sur lequel beaucoup ont insisté : Il faut accélérer le chantier et maximiser l’offre dès aujourd’hui, en attendant la finalisation complète de la mise à 4 voies (2027 au mieux). Au chapitre des idées « hors norme », certains s’interrogent sur la possibilité d’activer temporairement une piste cyclable sur le tarmac qui accueillera dans le futur les nouvelles voies du RER en travaux.

Au-delà du RER, les intervenants notent qu’en Brabant wallon, certains points prioritaires doivent avancer : une réelle concertation TEC/SNCB, l’augmentation des fréquences en soirée et weekend, l’amélioration des accès aux gares (en vélo et co-voiturage notamment) et la fin des desserte bi-horaires.

La conclusion de la soirée s’est faite sur une note positive : la SNCB a longtemps agit de manière indépendante, cloîtrée dans sa tour d’ivoire. Mais la vision d’une politique ferroviaire plus intégrée, intermodale et tournée vers les voyageurs apparaît petit à petit au sein de l’entreprise publique. Comme ça l’a été au cours de cette soirée, c’est donc le moment de fédérer les initiatives citoyennes, associatives, syndicales et politiques pour appuyer politique ferroviaire créative, efficace et durable.

Véronique De Brouwer, Siska Gaeremyn, Youri Cales, secrétaires régionaux
Marcel Cheron, député fédéral