Lors du conseil régional de mai, Ecolo Brabant wallon a eu le privilège d’un invité passionnant : Julien Taymans, Président de Natagora BW. Il nous a brossé un tableau complet de l’état de la biodiversité du BW : ses forces, ses spécificités et surtout, ses faiblesses et les actions à entreprendre pour améliorer la situation. Voyage au coeur de la biodiversité du BW.

Rappel : Natagora est une organisation apolitique, qui mène des actions sur Bruxelles et la Wallonie. Elle représente 110 employés, 40000 membres, 2000 volontaires répartis sur 27 régionales. Elle gère 4700Ha de réserves naturelles, ce qui en fait un des plus gros propriétaires foncier de Wallonie. Actions principales : conservation/recherche/sensibilisation.

Natagora est active sur 22 communes du BW, 2500 membres. Il y a 55Ha de réserve en BW, gérés par des bénévoles.

Morphologie et spécificités du BW

En prélude, il faut insister sur une chose : il y a en réalité de grandes lacunes sur la connaissance réelle de la biodiversité en BW. Les experts vont en ardennes, en lorraine, mais pas chez nous. Nous avons pourtant des zones de grand intérêt biologique non protégées ou protégées.

En BW, il n’y a plus vraiment de milieu naturel, qui n’ont pas été transformés par l’homme. Chez nous (Europe), le climax (l’état dans lequel la nature revient si on laisse faire) sera toujours des forets chêne/hêtre. Les paysages évoluent : la grande bruyère de rixensart était complètement dénudée dans les années 50. Elle a évoluée au final vers une hêtraie. En BW, l’homme a modifié le paysage et créé de vastes espaces ouverts (depuis les romains) : agriculture, pâturage, etc. Une flore intéressante s’est développée conjointement avec l’homme. Ce sont donc principalement des milieux semis-naturels qui nous entourent, suite aux pratiques agropastorales. Malheureusement, ces milieux sont menacés aujourd’hui. Ils se cassent la figure depuis 1950 (agriculture extensive, urbanisme) . On observe de nombreuses destructions de zones de grande importance biologique. Parfois, des zones sont abandonnées,et redeviennent des hêtraie dont l’intérêt biodiversité n’est pas optimal. Natagora se bat pour conserver des patrimoines naturels mais aussi historiques.

Dans le Brabant wallon, les étangs, ruisseaux, sources (comme sur La Hulpe) sont des zones de grand intérêt, notamment pour les oiseaux. On voit aussi les buttes sableuses au pied desquelles coulent des sources calcaire, qui sont d’une importance de niveau européen pour la biodiversité. Les vallées ont été plus ou moins protégées, notamment et paradoxalement grâce à l’urbanisation (vs. Agriculture).

Géographiquement, la partie centrale du BW est la plus intéressante pour la végétation, au travers des affleurements sableux, des assises primaire (schistes qui affleurent dans les grandes vallées). Des limons décapés par les cours d’eau, du sable et de l’argile apparaissent et une grande diversité d’espèces s’y installent. Dans le centre, les milieux ouvert semis-naturels (landes à bruyères, etc.) sont très menacés. A un moment, il y avait 80 sablières sur la province. Ce sont des biotopes très intéressants pour les oiseaux. Plus un sol est pauvre, plus grande sera sa biodiversité floristique. Un certain nombre de lieux sont complètement différents de ce qu’on peut avoir en Ardennes (climat continental vs océanique en BW).

L’ouest, quant à lui, est marqué par les bocages diversifiés. On y voit beaucoup de couches de craies, de calcaire. Les pelouses calcaires sont nombreuses. Les prairies humides, en fond de vallée, disparaissent d’année en année. On y recense également des carrières de porphyre, qui abritent certains batraciens rares.

L’Est, est le pays de la Hesbaye, des grands paysages ouverts avec peu d’espace pour la nature. Les milieux agricoles intensifs ont été à une époque colonisés par certaines espèces, qui sont maintenant menacées car le minimum de lieux d’habitat ou de chasse n’existe plus.

Des espèces menacées

Dans les plaines agricoles de l’Est du BW, le Bruand Proyer, dont la population à chuté de 95 % en 10 ans ou l’épervier et la perdrix, qui nichent dans les blés, sont menacés. On récolte de plus en plus tôt, les nichages sont détruits en cours de couvaison.

D’autres animaux sont en danger : le castor, dont les aménagements sont très bénéfiques pour la biodiversité aquatique, le blaireau, les chauves-souris qui sont des accumulateurs de pesticides. Les tritons disparaissent car il n’y a plus de mares, de haies,… Les lézards ne trouvent plus leurs lieux de vie : les lisières ont en effet disparu. On a des parcelles agricoles ou forestières, mais rien entre les deux. De nombreuses plantes sont également menacées.

Menaces et défis

Première menace : l’agriculture intensive et la disparition de l’élevage. Les prairies disparaissent au profit des monocultures. On voit la pollution des cours d’eau suite à la fertilisation, aux pesticides. La taille des parcelle augmente, et il n’y a plus d’interfaces entre les cultures (refuge des perdrix), fin des haies, des talus, etc.
De plus en plus, les zones humides sont remblayées par les agriculteurs. Il n’y a pas de poursuites : la biodiversité n’est pas la priorité des parquets.
On voit aussi la pulvérisation d’herbicide en bordure des parcelles, ou sous la clôture ! C’est le clou sur le cercueil de certaines espèces…C’était le seul endroit où elles pouvaient encore nicher.

En BW, au plan de secteur, il y a beaucoup de sites d’intérêt biologique en zone urbanisable. Pour celles situées en zone non urbanisable, on ne peut pas y construire, mais on peut labourer, remblayer, etc. Ces pratiques détruisent les habitats autant qu’un bâtiment.

Ces zones sont en danger car les projets se multiplient : Butte de l’IBW, ZAE de Nivelles sur l’ancien circuit, densification des noyaux villageois, fin des prairies, fin des bocages entre les maisons, disparition des saules têtards, zones humides sont urbanisées, pollution de l’eau dans quelques points noirs (zones rurales sans réseau d’égoût),…

Pistes politiques

Les citoyens ont un rôle à jouer, dans les jardins par exemple, mais ils n’ont que peu de prise. Les pouvoirs publics peuvent avoir un impact réel sur la biodiversité, avec la volonté politique.

Il manque de moyens et d’espace pour l’expression de la biodiversité. Protéger les sites existants est la première priorité. On peut mettre en œuvre des mesures de développement des espaces dédiés à la biodiversité, mais il faut d’abord sauver l’existant.
Il faut créer une maîtrise foncière, avec un objectif d’obtenir 5 % de zones protégées du territoire, c’est le minimum. A titre de comparaison, on est à 0,2 % en BW.
Par ailleurs, il faut préserver, mais aussi entretenir. Pour certaines communes non rurales, il n’y a pas de financement de la préservation de zones d’intérêt biologique via les subsides. De manière générale, il n’y a pas non plus de financement de la gestion récurrente d’une réserve naturelle. Ils sont nécessaires ! Natagora dépend des dons pour cela.

Il y a évidemment d’autres pistes à explorer, certaines plus utopiques que d’autres : modifier le plan de secteur, introduire la notion de corridors écologiques, créer un statut de protection pour les habitats sensibles, et protéger l’espèce et pas seulement le site qui l’abrite.

Au niveau communal, il faut pousser pour des PCDN (plan communal de protection de la nature) partout. Il n’y en a que 11 en BW pour l’instant. Il est aussi possible de mettre des obligations de biodiversité dans tous les projets d’aménagement et d’urbanisme via le plan communal d’urbanisme, d’organiser le fauchage tardif ou différencié (faucher le bord de route seulement), de raccorder toutes les maisons à l’égoût, de poursuivre plus efficacement les infractions environnementales, de laisser des bordures enherbées le long des chemins, d’encourager la plantation de haies et la création de zones tampons autour des sentiers, mieux encadrer la sous-traitance pour les travaux agricoles, etc.

Beaucoup de choses sont possibles, à tous les niveaux de pouvoir !

Pour aller le plus loin possible et le plus vite possible, voici les 5 mesures politiques prioritaires pour la biodiversité de nos régions

1. Faire respecter la législation : avec des contrôles et des poursuites pour les agriculteurs, les citoyens et les pouvoirs publics qui ne respectent pas la législation. C’est la base de tout : de nombreuses mesures existent déjà, qui ne sont pas respectées et sont sans effet..

2. Créer un droit de préemption de la région et des asbl actives dans la préservation des milieux sur le rachat de certaines zones biologiquement utiles. Ceci existe en Flandre.

3. Déterminer un financement pour l’entretien récurrent des zones naturelles

4. Travailler avec les agriculteurs à la mise en œuvre de mesures agrienvironnementales qui ne les pénalisent pas

5. Développer des PCDN dans toutes les communes wallonnes