« Saint-Valentrain » en Brabant wallon : Alors, on bouge ?
Chaque année, la Saint-Valentrain rassemble élus et membres d’Ecolo aux abords des gares de Wallonie et de Bruxelles. Leur objectif est d’aller à la rencontre des usagers des transports en commun et de leur offrir un petit cadeau en guise de remerciement. Car prendre le train, ce n’est pas nécessairement toujours facile ou agréable. Pour Ecolo, le train est pourtant une solution d’avenir pour la mobilité, le climat et la pollution de l’air.
0. Constats : pollution et congestion, mauvais bulletin pour la Belgique
La semaine dernière, la Commission européenne a une nouvelle fois rappelé la Belgique à l’ordre pour son laxisme en matière de mobilité et de pollution de l’air. Notre pays est appellée à réduire la congestion du trafic et « prendre des mesures pour décourager l’usage de la voiture » si elle veut respecter les normes européennes sur la qualité de l’air. La commission avait déjà décidé de poursuivre la Belgique en 2008 et en 2015 pour la même raison.
Avec près de 80 % des déplacements effectués en voiture, la Belgique est le pays le plus embouteillé d’Europe. En 2016, nous avons même battu les records moyens d’embouteillages par jour. Cela a de lourdes conséquences :
– Selon l’Agence européenne de l’environnement (AEE), l’air pollué est responsable chaque année de 15.000 morts prématurées en Belgique. Le coût des polluants atmosphériques sur la santé (absence pour maladie, traitements médicaux, décès prématurés…) et l’agriculture (chute des rendements) est estimé à 18 milliards d’€ pour la Belgique ! Faites passer le mot à Mme De Block et M. Prévot : nous leur donnons la solution pour diminuer les coûts du système de soins de santé sans fermer d’hôpitaux…
– Pour la FEB, le coût de la congestion routière est estimé à 8 milliards d’€ par an, sans compter les effets globaux sur le climat.
Le Brabant wallon immobilisé
En Brabant wallon, pas besoin de grandes études pour constater que…rien ne bouge. Ca coince sur les grands axes vers Bruxelles (E411, E40, E19, A8, R0), mais malheureusement aussi de plus en plus dans et vers les villes moyennes, et sur les axes transversaux (N25, N4, N5, N29).
En 2010, le plan provincial de mobilité prévoyait déjà l’immobilisme pour 2030. En partant de la situation de 2010, avec 60.000 habitants et 50.000 emplois salariés supplémentaires, le nombre de trajets explosait, paralysant une partie du réseau. Le seul scénario qui permette d’éviter cette situation est un scénario « hypervolontariste » où les modes de transport alternatifs grimperaient à 40 % des trajets, contre moins de 20 % aujourd’hui. Autant dire qu’aujourd’hui, faute de volonté politique, on n’a pas avancé sur cette voie.
Le gouvernement fédéral considère le train comme un moyen de transport parmi d’autres. C’est beaucoup plus que cela. La suédoise fait les choses complètement à l’envers. Elle étouffe la SNCB et Infrabel en exigeant des économies (2,1 milliards sur 4 ans) et des gains de productivité irréalistes (4 % par an) puis revient en arrière en refinançant le RER en s’endettant. En attendant, les dégâts sont déjà faits : pénurie de personnel, entretien des voies en berne, investissements à l’arrêt.
Pourtant, face à la congestion des routes et la production de gaz à effet de serre, le rail a un rôle central à jouer. Nous avons besoin d’une politique ambitieuse de croissance du rail. Car il a encore une marge de progression considérable. Le rail, c’est le plus grand espoir de parvenir à un transfert massif du transport de voyageurs et de marchandises vers le rail (« modal shift »).
1. Première priorité : le RER
Le RER n’est pas la solution miracle, mais il est cependant crucial pour la mobilité du BW, pour son développement, son rayonnement international et ses liens avec Bruxelles. Au-delà de la zone RER, il permettra aussi aux trains de toute la Wallonie de circuler à 160km/h sur les derniers tronçons vers Bruxelles. La mise à 4 voies, couplée à l’amélioration de la jonction Nord-Midi, permettra d’améliorer la robustesse du réseau (capacité à se remettre rapidement d’un incident) et donc la ponctualité. Hélas, On ne verra rien avant 2028, voire 2032.
Encore 2 ans de perdus
Le rapport de la Cour des Comptes demandé par Ecolo a la Chambre, rendu public fin janvier, dénonce une série de dysfonctionnements.
La clé 60-40, les recours et le manque de pilotage politique sont à l’origine de la plupart des retards observés sur le RER wallon. A cela s’ajoutent les décisions du gouvernement fédéral qui, par le biais de Mme Galant, a décidé de lui-même en 2015 de supprimer le plan pluriannuel d’investissement 2013-2025. Celui-ci aurait dû assurer une vision à long terme des investissments ferroviaires. Son successeur, le PPI 2017-2020, n’est même pas encore finalisé. Infrabel a clairement affirmé à la Cour des comptes que, en l’absence de PPI, tous les chantiers de longue haleine avaient dû être arrêtés. A cause de ce gouvernement, nous avons encore perdu deux ans !
Réseau Eternellement Retardé
En juin 2016, Infrabel a donné une indication de fin de chantier (2028), si 3 conditions étaient respectées :
1. Un PPI adopté en 2016.
Il ne l’est toujours pas en 2017.
2. Un budget adapté selon les besoins.
Le vertueux milliard du ministre Bellot semble répondre à celui-ci. Nous ne sommes cependant pas convaincus par les différents chiffres auxquels nous avons eu accès, qui changent constamment.
3. L’obtention des permis dans les 3 ans, sans recours.
Soyons réalistes…c’est totalement illusoire. Les permis doivent être refaits car prescrits, et les demandes ne sont même pas encore déposées…encore du temps perdu…
Sur la ligne 161, la fin des travaux est annoncée par François Bellot pour 2024. Une fin de chantier pour 2026, au plus tôt, semble plus réaliste. Dans son rapport, la Cour des Comptes considère quant à elle que les délais finaux de mise à 4 voies sont « indéfinis ».
Ligne 124 : la grande oubliée
La gare de Nivelles draine beaucoup de navetteurs des environs, y compris des communes du Hainaut. La mise à 4 voies constitue un avantage évident. Mais la situation de la ligne 124 est critique : la fin des travaux est constamment repoussée. La plupart des retards de travaux sur cette ligne sont imputables aux recours contre les permis sur le tronçon de Linkebeek, notamment. Les permis sont bloqués sur une partie et d’autres, notamment concernant les gares, sont périmés.
Finaliser la ligne 124 nécessite l’obtention de permis, la réalisation de travaux de génie civil qui ne sont même pas encore commencés sur les 6km de tronçons situés en Flandre et les 7km restants en Wallonie (sur 16km). En additionnant les délais d’obtention des permis (2 à 4 ans), auxquels nous ajoutons 1,5 ans pour le lancement des travaux (adjudications,…) et 10 ans de travaux, on arrive, au mieux, à l’an 2031.
On est en droit de se demander pourquoi, plutôt que de rester les bras croisés, le gouvernement n’en profite pas pour finaliser les travaux sur la partie wallonne, là où les permis seront délivrés sans recours ou sont encore valables ? C’est probablement lié à la clé 60-40…et en attendant, rien ne bouge.
L’offre en Berne
Les incertitudes budgétaires bloquent les chantiers et empêchent aussi l’amélioration de l’offre. Le RER, c’est de l’infrastructure, mais pas seulement : c’est surtout un service. Et là aussi, on est loin des objectifs : pour près de 30% des gares de la zone RER, pour beaucoup situées en Wallonie, le niveau de service est moins bon que celui d’il y a quinze ans. A l’heure actuelle, en semaine, 30 gares sont mieux desservies aujourd’hui qu’en 2002, 70 sont en statu-quo… et 40 sont moins bien loties aujourd’hui !
Le RER, tel que conçu en 2002, est un service intermodal. Où en est-on dans l’ intégration des différents modes de transport : intégration tarifaire, intégration des horaires et de l’information ? Pas très loin, pour ne pas dire nulle part. Nous pensons que la solution passe par un lieu de coopération spécifique à la zone RER, entre les sociétés régionales de transport et la SNCB. La zone RER pourrait d’ailleurs servir de projet-pilote pour une intégration poussée des différents transports publics.
Propositions :
– Créer un vrai comité de pilotage RER
– Organiser une consultation spécifique entre SNCB et TEC/STIB pour la zone RER
– Assouplir l’application de la clé 60/40 sur 5 ans
– Arrêter la politique de parkings dispendieuse de la SNCB.
– Redémarrer immédiatement les chantiers dont le permis est encore valide
2. Seconde priorité : amélioration des capacités d’accueil en gare
La seconde priorité, c’est l’amélioration drastique des capacités d’accueil des grandes gares du Brabant wallon et du service qui l’accompagne. Deux exemples nous viennent directement à l’esprit : Tubize et Ottignies. Là, il y a encore beaucoup à faire pour concurrencer la voiture et accueillir les navetteurs comme il se doit.
Tubize
A Tubize, c’est la totale : la gare est tout sauf accueillante, qu’il s’agisse des cadences mal réparties, de l’état de la gare, des parkings, du manque de train, de la vitesse commerciale et, surtout de la ponctualité, tous les indicateurs de Tubize sont dans le rouge.
En ce qui concerne la ponctualité, la ligne 96 est la pire de toutes les lignes wallonnes en terme de ponctualité en heure de pointe. De novembre 2015 à octobre 2016, seuls 48,4 % des trains de la ligne Mons-Bruxelles étaient à l’heure. Moins de 1 train sur 2. Des trains ont été supprimés par le plan de transport de 2014. En heure de pointe, il ne reste que 4 trains qui s’arrêtent à Tubize par heure, dans les deux sens. Par comparaison, la gare de Halle reçoit 10 trains par heure en heure de pointe. Elle n’accueille pourtant que 50 % de voyageurs en plus que la gare de Tubize, pour une offre accrue de 250 %. De nombreux habitants du bassin de vie de Tubize doivent se rendre à la gare de Halle, en raison de l’offre inadaptée en gare de Tubize.
Concrètement, certains trains passant par Tubize ne s’y arrêtent plus et font l’arrêt à Halle. Nous demandons de marquer l’arrêt à Tubize. C’est le cas du train IC en direction de Mons. Nous demandons également que le train S5, qui fait son terminus à Halle, soit prolongé jusqu’à Braine-le-Comte aux heures de pointe.
Chaque jour, ce sont près de 3500 voyageurs qui passent par les quais de Tubize et doivent subir cette situation inadmissible. Pourtant, la SNCB persiste et signe, en annonçant une fermeture partielle des guichets, souvent prémisse d’une fermeture complète, puis d’une fermeture de la salle des pas perdus. Ecolo a déjà dénoncé cette situation à Tubize et à la Chambre. Nous espérons avoir été entendus.
Propositions :
– Maintenir les guichets ouverts et, pour toutes les gares, évaluation pluriannuelle du niveau de service avant toute fermeture.
– Augmenter l’offre en heure de pointe et les weekends
– Réouvrir de la gare de Clabecq, notamment en prévision des 2000 logements à créer sur le site de Duferco.
– Améliorer nettement la ponctualité (état des infrastructures et matériel roulant performant)
Ottignies
Une situation à peu près semblable se déroule à Ottignies : avec 29000 voyageurs par jour, c’est la gare la plus importante de Wallonie. Par comparaison, il faut rappeler qu’il y a 9000 voyageurs quotidiens qui montent à la gare de Mons (qui coûtera plus de 250 m€ à la SNCB et Infrabel), 17000 à Liège Guillemins (500 m€) ou 19000 à Malines (180 m€).
Un budget total de 130m€ était prévu au PPI 2013-2025 pour réaménager tout le plateau de la gare, mais celui-ci a été abrogé. Et rien n’avance, en attendant, alors qu’un Master Plan a été élaboré au travers d’un gros travail de concertation avec tous les acteurs. Les seules parties qui sont réellement décidées concernent des travaux d’urgence : la passerelle dangereuse ou l’allongement des couloirs sous voies. Pour le PPI 2017-2020, on parle d’un budget de 14 m€ pour la création de parkings et d’accès bus sur la zone Sud-Est de la gare. C’est beaucoup trop peu ambitieux !
La zone présente pourtant un potentiel énorme, avec 30ha à aménager autour de la gare. Les travaux de voies et de quais prévus dans le cadre du RER sont une opportunité de voir plus large et de réaménager tout le quartier de la gare dans une zone à haut potentiel de mobilité. Le MR au gouvernement fédéral renvoit la balle au CDH à la Région wallonne, qui botte en touche. Et pendant ce temps-là, les navetteurs subissent au quotidien les conséquences de ce match de ping-pong politique.
Le problème de la gare d’Ottignies ne se résume pas à une passerelle et un besoin de parkings. Nous demandons aux ministres, à la SNCB et à Infrabel de respecter les navetteurs, et de respecter les accords passés dans le cadre du Master Plan.
Proposition : mettre en œuvre le Master Plan au plus vite !
Et les autres…
En ce qui concerne les gares du BW, il convient d’insister à nouveau sur la situation de la ligne 124, notamment sur la gare de Nivelles, qui est oubliée. A Nivelles, il est urgent de créer des parkings vélos sécurisés et des accès PMR. La gare de Braine-Alliance, quant à elle, n’est toujours pas terminée.
Et pour toutes les autres gares, nous demandons également des parkings vélos sécurisés, des parkings voiture gratuits pour les petites et moyennes gares, la réfection des quais pour arriver à une hauteur unique et permettre l’accès aux PMR.
3. Plan de transport 2017 : amélioration globale des dessertes du BW
Le plan de transport 2017 est annoncé comme un progrès majeur : + 5 % de trains/kilomètres et – 6 % de temps de parcours. Pour la Wallonie, c’est tout simplement de la poudre aux yeux.
L’offre supplémentaire sera concentrée sur le réseau suburbain, dans Bruxelles (L60 et 26) et vers l’aéroport. Là où la presse flamande a annoncé le renforcement de nombreuses lignes situées en Flandre, la Wallonie semble devoir se contenter des miettes1.
Quant aux temps de parcours, ils seront améliorés, en moyenne, de 6 %. Formidable. Malheureusement, le plan de transport 2014 les avaient allongés de 12 % sur la ligne Bruxelles-Tournai, de 7 % vers Mons, 15 % vers Charleroi, 11 % vers Namur et 6 % vers Liège. On ne revient même pas à la situation d’avant 2014.
En Brabant wallon, nous demandons :
– Dans les petites gares telles que Court-Saint-Etienne, Villers-la-Ville, Profondsart… : des dessertes bi-horaires au minimum en semaine, et toutes les heures le weekend
– L’ajout d’un train/h de Nivelles à Bruxelles en dehors des heures de pointe
– L’élargissement de l’heure de pointe jusqu’à 10h du matin sur le réseau « S »
– L’augmentation de l’offre du samedi
– L’augmentation de l’amplitude en gare de Wavre et de Louvain-la-Neuve.
– Le renforcement de l’offre au départ de LLN, en prévision de l’ouverture du parking P&R
Et à long terme ?
– La création d’une bretelle d’accès direct entre Namur et LLN. Le nouveau parking de 2 500 places justifie une revalorisation de l’offre au départ de Louvain-la-Neuve. Idéalement, la gare de Louvain-la-Neuve devrait être desservie aussi par des trains rapides. Par ailleurs, une nouvelle courbe de raccordement direct, à hauteur de Mont-St-Guibert, depuis Louvain-la-Neuve vers Namur permettrait un gain de temps considérable, en délestant du même coup la gare d’Ottignies dont la fréquentation ne cesse d’augmenter.
– La réaffectation partielle des lignes 141 (Court-Saint-Etienne-Genappe-Nivelles) et 115 (jusqu’à Clabecq). En faisant circuler un train léger (light train) sur ce tronçon, on permet de mettre Nivelles à 25 minutes de Wavre. A ce stade, le projet est idéaliste compte tenu de l’état budgétaire de la SNCB et de certaines contraintes techniques, mais à long terme, une réelle analyse de faisabilité/rentabilité aurait du sens.
Conclusion : l’immobilité est politique
L’inaction en matière de mobilité coûte 24 milliards d’€ par an, et cause indirectement des milliers de morts prématurées. Depuis plus de 10 ans, nous tournons en rond : la SNCB est privée de budget, les voitures de société sont plus présentes que jamais, les alternatives à la voiture sont soit inexistantes, soit peu efficaces, soit inattractives. La politique la plus ambitieuse de « la suédoise » est liée aux véhicules intelligents et autonomes. Ils ne résoudront rien. Une politique ultra-volontariste en matière de mobilité peut inverser la tendance, et faire de la Belgique un pays plus sûr et agréable pour ses citoyens, plus attractif pour les entreprises, plus respectueux de l’environnement et du climat. Mais tout est une question de priorité politique.
Pour Ecolo Brabant wallon,
Marcel Cheron – Député fédéral
Pascal Rigot – Echevin à Nivelles
Sabine Desmedt – Echevine à Tubize
Youri Caels – coprésident Ecolo BW