L’année 2020 aura été pour tous, une année particulièrement difficile, compliquée, ardue même. Sur le plan sanitaire et en corollaires ses drames humains, sur le plan psychologique et ses confinements plus ou moins stricts, sur le plan financier individuel ou collectif, l’année 2020 fut celle de toutes les galères.

Chacun a réagi à sa manière, selon ses moyens. Pour beaucoup d’entre nous une aide a été nécessaire, qu’elle vienne de l’entourage immédiat ou des pouvoirs publics.

A cet égard, nous voulons saluer les réactions immédiates des pouvoirs publics du Brabant Wallon, communes et province. Et bien sûr le Gouverneur et ses services qui ont assuré le rôle important de grand coordinateur.

En 2020, nous avons soutenu les initiatives que la Province a mis en place pour la culture, le social, les commerces, le tourisme. Elles étaient nécessaires, pour des secteurs frappés très durement. Et même si, nous avons douté quelquefois de la façon de les mettre en œuvre, nous persistons à penser qu’elles étaient indispensables et bienvenues.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore complètement sortis de cette situation. Les plus optimistes prévoient que la situation sanitaire ne sera stabilisée qu’en fin 2021, et que les conséquences humaines, économiques et sociales dureront encore plusieurs années.

Par exemple, les économistes annoncent une recrudescence des faillites dès que le moratoire sera levé et les psychologues redoutent les impacts à moyen terme sur le moral des belges.

Il ne faut donc pas relâcher l’attention des pouvoirs publics et penser que nous pouvons reprendre les choses comme avant.

Ensuite, dans la deuxième partie de la note de politique générale, nous apprenons que la majorité provinciale, je cite : « Le Brabant wallon devra sortir de sa zone de confort et saisir ce moment inédit pour se réinventer en profondeur. Nous devons identifier les économies réalisables au sein même de notre Institution, sans pour autant déstabiliser sa capacité d’action, son fonctionnement et son dynamisme. Nous devons oser questionner nos métiers, nos actions et nos partenariats avec lucidité, sincérité et humilité.

Nous devons, plus encore qu’hier, analyser, éprouver et débattre chaque dépense au regard de sa pertinence, de son intérêt général et de son caractère prioritaire. Nous devons réenvisager nos compétences et le rôle que notre Province peut, veut, doit jouer sur les différents enjeux de notre territoire. »

Nous sommes ici encore tout à fait d’accord avec la majorité. La Province doit se réinventer en profondeur, et la Province doit analyser chaque dépense au regard de sa pertinence et de son caractère prioritaire …

Suit une série de secteurs que le collège nous présente : l’enseignement, la mobilité douce, le « made in BW », la solidarité avec les personnes âgées, isolées fragilisées, le secteur de la petite enfance, environnement et ressources naturelles, artistes, patrimoine, et vivre ensemble.

Et enfin, last but not least, le Collège déclare intégrer dans ce budget les obligations en matière de financement de la zone de secours.

A lire cette note, on pourrait croire que le Collège a réussi la quadrature du cercle : un budget terriblement difficile tel qu’annoncé depuis plusieurs mois, mais un budget ambitieux et révélateur des priorités et de la plus-value provinciale.

Permettez-nous de ne pas être tout à fait d’accord avec cette vue des choses.

  1. L’élaboration du budget en lui-même.

Le Collège omet de dire dans sa note de politique générale qu’il a entamé un important processus de réduction des dépenses de transfert vers et envers le monde associatif.

C’est vrai qu’à partir du moment il ne peut ou ne veut pas toucher aux dépenses de personnel, que les dépenses de dette sont incompressibles et que les dépenses de fonctionnement doivent permettre aux agents de « fonctionner », il ne reste plus que les dépenses de transfert pour absorber l’augmentation de la dotation à la zone de secours.

Le Collège a annoncé aux bénéficiaires une réduction de 5% de leurs dotations en 2021 et de 10% supplémentaires en 2022, avec le risque que 2023 ne soit encore plus difficile.

Nous savons que le Collège a pris langue avec chacune d’entre elles pour annoncer la mauvaise nouvelle et pour anticiper un accord.

N’étant pas en position de force, les instances concernées ont bien dû admettre qu’une réduction de leur subvention valait mieux qu’une suppression pure et simple. La pilule est donc passée !

Le Collège a dégagé sur les postes de fonctionnement et de transfert le montant global de 5 millions d’euros à l’ordinaire. Ce montant deviendra récurrent pour les exercices à venir, à politiques inchangées. Et sans doute supérieur puisque les réductions de subventions seront portées à 10%.

Nous verrons plus tard que ce que la majorité compte faire de cette marge importante lorsque nous parlerons de la gestion de la dette.

Mais financer la Zone de secours en amputant les subventions au monde associatif, c’est une solution assez simpliste.

L’avis de la Cour des comptes est assez interpellant. Les chiffres de recettes précompte, le fonds des provinces et les compensations ne sont pas conformes aux montants transmis par la Région Wallonne. Même si la Cour des comptes recommande de les ajuster en première modification budgétaire, pour nous, conseillers provinciaux, c’est difficilement concevable. Il y a-t-il de la désinvolture dans l’élaboration du budget, ou est-ce délibéré ?

Nous avions eu le débat en décembre lors du vote du taux des additionnels au précompte immobilier. La Cour des comptes nous donne raison finalement.

La cour stipule aussi ceci : « La recette de 1.200.000 € se rapporte à une contribution de la zone de secours pour des services prestés par la province à son profit. La Cour des comptes observe que cette contribution constitue une recette virtuelle calculée sur la base de la valorisation des moyens humains, matériels, informatiques et de mises à disposition de locaux au profit de la zone par la province ».

C’est le mot « virtuel » qui nous interpelle. Le budget est équilibré grâce à cette recette « virtuelle ». En commission, on nous a répondu que cette recette ferait réellement l’objet d’une facturation à la zone de secours, et qu’il y aurait des droits constatés en suite. Pourquoi la Cour des Comptes n’y croit-elle pas ? Qui devons-nous croire, nous ?

Nous restons dubitatifs sur cette recette, jusqu’à plus amples constats.

Enfin, la Cour des Comptes constate que l’indexation des salaires, prévue en 2021 n’est pas intégré au calcul de la masse salariale.

Toutes ces approximations nous font penser que ce budget est très loin de la réalité prévisible pour 2021. Et que dans ces conditions, nous aurons beaucoup de difficultés pour le soutenir.

  1. Définir les priorités lit-on.

Cela fait plusieurs années que les déclarations de politique provinciale contiennent cette subtile intention : repenser le rôle de la Province, définir les priorités et fixer des objectifs.

En 2018, le DPP ne disait pas autre chose. Mais il faut initier le chantier, réfléchir, consulter, prendre des risques…

Quel est le sens de la phrase que je vous citais il y a quelques minutes quand le Collège annonce « une réinvention en profondeur ». Est-ce déjà fait ou est-ce encore à faire ?

Nous pensons que ce travail est toujours à faire. Ce budget 2021 ne reflète aucun choix prioritaire, tous les articles budgétaires présentes en 2020 restent présents en 2021 (hormis quelques-uns comme les appels à projets supra communaux, les dotations à la Ville de Wavre ou au Pôle Culturel d’Ottignies-Louvain-la-Neuve).

Ce n’est très certainement pas le reflet de choix prioritaires. D’ailleurs la proposition faite de réduction linéaire de 5% des subventions démontre bien que le choix n’a pas été fait.

Pourtant, c’était bien l’occasion de profiter de ces deux événements venus de l’extérieur à l’institution : la pandémie et le financement des zones de secours.

Le monde ne sera plus jamais comme avant après cette pandémie, il faut être aveugle pour croire que tout pourra un jour recommencer sans modifications substantielles de nos modes de vie. Les politiques publiques, elles aussi seront confrontées à d’autres dynamiques, d’autres tendances, d’autres besoins, plus qualitatifs, plus résilients.

L’obligation de financement complémentaire à la zone de secours en était une autre opportunité. La réduction des moyens propres de la province imposait de faire de vrais choix politiques. Plutôt que de diminuer petitement un peu tout, il eut fallu décider dans quels secteurs il fallait continuer à investir plus massivement. Donner des moyens substantiels à certaines politiques, c’est cela l’ambition politique !

La majorité a décidé de reporter tout cela à plus tard ! C’est dommage.

  1. La langue de bois

Enfin, pour clôturer, le Collège nous fait une déclaration philosophique d’une énorme banalité.

Je cite à nouveau :

« Le Brabant wallon se tourne résolument vers l’avenir et le monde de demain.

La majorité MR-PS est plus mobilisée et déterminée que jamais pour proposer des solutions qui placent le Brabant wallon là où on l’attend. Nous assumerons les dépenses liées à la Zone de Secours tout en maintenant notre Institution en pleine capacité de réflexion et d’action pertinentes pour son territoire en phase avec les aspirations légitimes de nos citoyens pour penser une société post-Covid qui soit plus libre, plus solidaire, plus tolérante et plus respectueuse de chacun. »

Où attend-on le Brabant Wallon ?

Quelles sont les aspirations légitimes des citoyens ?

Quelle est la politique provinciale qui rend les gens plus libres ? Plus solidaires ? Plus tolérants ? Plus respectueux de chacun ?

Si ce n’est pas une déclaration exemplative de l’usage de la langue de bois, je ne sais ce que c’est.

  1. La supra communalité.

Dans la note de politique générale, le mot « supra communalité » n’est mentionné qu’une seule fois. Ce qui faisait l’axe principal de la politique provinciale, et qui avait été cité en exemple par les autorités Régionales, semble avoir perdu d’importance.

Cela se traduit par une forte réduction des moyens destinés aux appels à projet vers les communes (Près de 10 M€ en 2019, réduction à 5M€ en 2020 pour une réorientation vers les besoins urgents COVID, il reste 2M€ en 2021.)

Je connais la réponse du Collège : il n’y a pas que l’argent, il y a aussi les services, la coordination avec le 27+1, les projets globaux sur le territoire comme les points nœuds ou le maillage écologique, et que aucun euro ne sort du brabant Wallon, que les moyens pour la Zone de secours allègent les dépenses des communes, etc…

Mais le constat est là, et peut-être ici un choix a-t-il été fait : ce n’est plus possible d’en faire une priorité. En tous cas, on ne s’en revendique plus !

  1. Le « Cube ».

Autre projet phare de la majorité MR-PS depuis la DPP de 2018, l’implication citoyenne et son opérationnalisation à travers le fameux CUBE. J’ai bien cherché, on n’en parle plus dans cette livraison de la note de politique générale. Et dans le budget, il reste quelques milliers d’euros pour son fonctionnement.

Vous connaissez notre doute, que nous avons exprimé plusieurs fois par rapport à ce projet, nous n’y reviendrons pas.

On nous a déjà répondu sur l’abandon des investissements dans les locaux qui étaient prévus pour le projet, en arguant que le projet pouvait exister sans locaux. Mais l’absence pure et simple d’une mention dans la note est très certainement révélatrice d’un changement de posture.

Les question d’ECOLO pour lever certaines imprécisions.

  1. La gestion de la dette

Voici une nouvelle idée de la majorité : anticiper l’amortissement de la dette. Nous voyons pour la première fois apparaitre une constitution de provision de 4,174 M€. C’est une somme importante, constituée principalement par les réductions des dépenses de subsides et de fonctionnement. Alors que l’enjeu principal de la province dans les prochaines années est de financer les zones de secours, le Collège préfère financer la dette.

Je ne reviendrai pas sur les mécanismes particuliers qui sont d’application à la Province pour la gestion de la dette, j’en ai déjà parlé à de multiples reprises.

C’est la première fois que l’on anticipe les charges de dette, alors que l’on avait plutôt l’habitude de les gérer en retard, plusieurs années après l’exercice budgétaire concerné.

Après avoir insisté, nous avons obtenu les détails de ce chiffre : couvrir les exercices 2018, 2019 et 2020. C’est vrai qu’en MB 3 2020 nous avons assuré les engagements des emprunts de 2017 et plus tôt.

Ne valait-il pas mieux les consacrer aux futures charges des zones de secours, car ce sont bien elles qui grèvent aujourd’hui les moyens de la province ?

  1. Le positionnement d’ECOLO.

Ecolo soutient sans réserve aucune la politique provinciale de soutien à l’enseignement. Les écoles provinciales, fortes de leurs 5.000 élèves, dispensent un enseignement de qualité.

Vous aurez remarqué, chers collègues, que depuis le début de la présente législature, malgré nos nombreuses interventions au cours de tous les conseils précédents, nous n’avons jamais remis en question une seule fois le domaine de l’enseignement provincial, auquel nous apportons tout notre soutien. Contrairement au cdH !

Vous l’avez entendu lors du Conseil provincial de décembre. Ecolo défend certaines politiques. Nous avions refusé la suppression de certains appels à projet pour cette raison.

Nous pensons que la Province doit rester présente et active dans les domaines de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique, dans le domaine social et en faveur des personnes les plus défavorisées, dans le domaine de la mobilité alternative, dans le soutien au monde culturel et associatif.

Vous nous répondrez, comme de coutume, que la majorité agit dans ces matières, qu’elle est présente et même, qu’elle est ambitieuse.

Nous pensons, au contraire, qu’elle n’est pas suffisamment active, que ses politiques sont épidermiques et qu’elles ne touchent pas au fond des enjeux, qu’elle saupoudre sous couverts de chiffres réduits un peu de tout partout.

Nous déposerons des amendements au cours de la lecture du budget sur certains postes que nous estimons indispensables.

Vous les connaissez puisque nous les avons déposés. Ils concernent :

  • Le soutien important à l’ISBW. Ce n’est pas le moment d’affaiblir nos capacités d’action dans ce domaine. Les plus fragiles d’entre nous nécessitent notre plus grande attention.
  • Le soutien nécessaire à la jeunesse. On en parle énormément ces derniers jours, la jeunesse n’a pas fait l’objet de toutes les attentions lors des derniers mois. Il faut leur donner les moyens de leur épanouissement.
  • Le soutien à la protection de l’environnement. A l’heure où l’on constate que c’est la perte de biodiversité et des espaces naturels qui provoquent des crises climatiques et sanitaires, il faut impérativement investir pour préserver et développer sur nos territoires des zones respectueuses des équilibres naturels.
  • Le soutien à la mobilité douce, J’ai bien lu les annonces dans la presse de ce jour sur les intentions et le programme de la majorité en ce domaine. Mais nous pensons qu’au-delà de la politique des points nœuds et du réseau cyclable, il est nécessaire maintenant à s’attacher aux déplacements professionnels, domicile-travail. Nous déposons une proposition en ce sens.
  • Le soutien au monde associatif et culturel. La diminution des soutiens provinciaux provoquera pour le monde culturel reconnu une double peine : celle de la réduction des subventions FWB, à cause de l’obligation de parité. Nous déposerons un amendement pour annihiler cet effet.

Voici le résultat de nos travaux d’analyse de cette proposition de budget 2021.

Vous le constaterez, nous ne sommes pas convaincus. Tant au niveau de la forme qu’au niveau du fond.

Nous ne sommes pas dupes, nos interventions seront perçues par la majorité provinciale comme des posture d’opposition simple et nous savons par avance que nos amendements ne trouveront pas d’écho positifs, sauf miracle.

Mais ce travail approfondi a été guidé par plusieurs attentions :

  • la solidité de la proposition budgétaire,
  • les répercussions sur les partenaires,
  • les attentions à la population,
  • l’efficacité des politiques publiques,
  • l’avenir de notre territoire.

C’est notre rôle de mandataire public.